À mes amis fidèles, de Casimir Delavigne.

À mes amis fidèles.

Recueil : Poésies diverses (1793-1843)
Ô mes amis, que ce banquet m'enchante !
J'aime ces jeux, ce désordre et ces cris,
Des vins fumants la pourpre étincelante,
Ces fruits épars et ces joyeux débris.

Dans soixante ans, quand l'âge impitoyable
Fera trembler les flacons dans ma main,
Puisse Bacchus nous rassembler à table,
Et nul de nous ne manquer au festin !

Nous chanterons d'une voix moins sonore ;
Mais que Bacchus dicte nos derniers vers :
Buvons à lui ; qu'un jus brûlant colore
Nos fronts pâlis par quatre-vingts hivers !

Plongeons nos sens dans une heureuse ivresse
Le lierre, amis, sied bien aux cheveux blancs ;
Ses rameaux verts couvrent de leur jeunesse
Les vieux ormeaux dépouillés par les ans.

Casimir Delavigne.