Amitié perdue, de Léon Boitel.

Amitié perdue.

Recueil : Les feuilles mortes (1852)
Votre allégresse m'importune,
Amis, respectez ma douleur ;
N'augmentez pas mon infortune,
En riant des peines du cœur.
Pour charmer mon âme attendrie,
Tous vos efforts sont superflus :
Hélas ! lorsqu'on perd une amie,
On ne rit plus !

Vous qui régnez dans le bocage,
Heureux oiseaux, cessez vos chants ;
Restez cachés sous le feuillage,
Prêtez l'oreille à mes accents.
Vos concerts n'ont plus d'harmonie,
Tous vos accords sont superflus ;
Hélas ! lorsqu'on perd une amie,
On n'entend plus !

Belles, je connais votre empire,
Je me dégage de vos lois ;
N'essayez plus votre sourire,
Sur mon cœur il perdrait ses droits.
Pour distraire ma rêverie,
Tous vos regards sont superflus ;
Hélas ! lorsqu'on perd une amie,
On n'aime plus !

Léon Boitel.