Femme je vous aime, de Charles-Albert Demoustier.

Femme je vous aime.

Recueil : Romances et poésies (1774)
Femme qui plaît à soixante ans
Par son aimable caractère,
Possède bien mieux l'art de plaire
Qu'une belle dans son printemps.

Les prestiges de la jeunesse
Cachent mille défauts au jour ;
Mais le charme fuit ; la vieillesse
Lève le bandeau de l'amour.

Alors la raison qui s'éveille
Cherche l'esprit ; si c'est en vain,
La beauté, dès le lendemain,
Pleure ses amants de la veille.

Mais, si l'on trouve en vous, les talents, les vertus,
L'amitié, tous les jours, ajoute à vos conquêtes ;
Et l'on vous aime encor, malgré l'âge où vous êtes,
Comme l'on vous aimait à l'âge qui n'est plus.

On regrette le temps passé sans vous connaître :
Combien l'on eût joui d'un commerce si doux !
Il semble que plutôt on aurait voulu naître,
Pour avoir le bonheur de vieillir avec vous.

Lorsque vers son déclin le soleil nous éclaire,
L'éclat de ses rayons n'en est point affaibli ;
On est vieux à vingt ans, si l'on cesse de plaire ;
Et qui plaît à cent ans, meurt sans avoir vieilli.


Charles-Albert Demoustier.