L'abandonnée, de Anna Lizbeth.

L'abandonnée.

Recueil : Poésies (1827)
Ah ! si tu étais mort ! de mon âme meurtrie
Je ferais une tombe, où, retraite chérie,
Mes larmes couleraient lentement sans remord ;
J'embaumerais si bien ma blessure amoureuse
Que ton image en moi resterait radieuse.
Ah ! si tu étais mort !

Je ferais de mon cœur l'urne mélancolique,
Conservant du passé la suave relique,
Comme ces coffres d'or qui gardent les parfums ;
Je ferais de mon âme une riche chapelle
Où toujours brillerait la dernière étincelle
De mes espoirs défunts.

Ah ! si tu étais mort, ton éternel silence
Moins âpre qu'en ce jour aurait son éloquence,
Car ce ne serait plus le cruel abandon.
Je dirais : il est mort, mais il sait bien m'entendre ;
Et peut-être en mourant n'a-t-il pu se défendre
De murmurer : pardon.

Mais tu n'es pas mort ! Oh ! douleur sans mesure,
Regret qui fait jaillir le sang de ma blessure :
Je ne puis m'empêcher, moi, de me souvenir,
Même quand tu restais devant mes larmes vraies
Sec et froid, sans donner à mes profondes plaies
L'aumône d'un soupir.

Ingrat ! Tu vis donc, quand tout me dit : Vengeance !
Mais je n'écoute pas ! à défaut d'espérance
Un fantôme d'idole est mon unique port.
Illusion, folie, ou vain rêve de femme !...
Je t'aimerais tant si tu n'étais qu'une âme...
Ah ! pourquoi n'es-tu point mort !

Anna Lizbeth.