Le bonheur en famille, de Joël Lemaire.

Le bonheur en famille.

Recueil : Poésies (1867)
Le foyer sans enfants, c'est le jour qui se voile,
C'est un triste désert où les fronts sont rêveurs,
Un ciel morne où jamais ne se lève une étoile,
Un bosquet sans feuillage, un parterre sans fleurs.

Que j'aime à contempler l'or de ces blondes têtes,
Ces fronts où la candeur se plaît à reposer,
Ces rires et ces pleurs, éphémères tempêtes
Dont l'innocente ardeur s'éteint sous un baiser !

Voyez-les à l'envi, dans les bras de leur père,
S'agiter, se suspendre en caressants festons !...
Tels, sur le tronc noueux du chêne séculaire
Le printemps fait germer de tendres rejetons.

Ô doux épanchements, suaves harmonies
Qui de ces cœurs unis ne font qu'un même cœur !
Propos gais et naïfs, demandes infinies !
Anges, répondez-moi... N'est-ce pas le bonheur ?

Le bonheur il n'est point dans le cœur solitaire
De l'homme qui s'obstine à vivre sans amour,
Cœur plus sombre et plus froid que l'urne cinéraire,
Où jamais ne pénètre un seul rayon du jour.

Le bonheur il n'est point dans la coupe enivrante
Que l'humaine folie épuise avec transport,
Breuvage qui séduit la foule délirante
Et dans la volupté lui fait trouver la mort...

Non, le vrai bonheur n'est point dans ce qui brille,
Dans les reflets trompeurs que l'or fait luire aux yeux,
Le vrai bonheur habite au sein de la famille,
Terrestre paradis, vestibule des cieux.


Joël Lemaire.