Le pardon, de Constance de Théis.

Le pardon.

Recueil : Poésies (1811)
Jeunes beautés qu'Amour enflamme,
Jeunes beautés, écoutez-moi ;
Craignez d'abandonner votre âme
À l'homme dont vous suivez la loi :
Source de joie et de tristesse,
C'est un ingrat, c'est un enfant ;
Il faut user d'un peu d'adresse,
Et l'enchaîner en lui cédant.

L'amour pour vous est une affaire,
L'amour pour l'homme est un plaisir ;
S'il est jaloux par caractère,
Il est volage par désir :
Imitez-le, lorsqu'il s'envole ;
Dès qu'il s'irrite, osez le fuir ;
Quand de sa perte on se console,
Il est prompt à reconquérir.

Quelque transport qui vous agite,
Ne pardonnez qu'avec effort :
Un pardon accordé trop vite
Semble permettre un nouveau tort.
Que le mépris seul vous anime,
Si l'on blesse encor votre cœur ;
Un second outrage est un crime,
Un premier peut être une erreur.

Ne pleurez jamais un volage,
Ne cherchez point à l'outrager ;
Ce n'est qu'en montrant du courage
Qu'une femme doit se venger :
Pourtant évitez le coupable,
Vos feux pourraient se rallumer ;
On trouve toujours trop aimable
L'amant qu'on doit cesser d'aimer.

Vous même, en votre humeur légère,
N'élevez point de vains débats :
Quand un objet cesse de plaire
On lui croit des torts qu'il n'a pas.
Le repentir suit les coquettes,
Plus on change et moins on est bien ;
Restez toutes comme vous êtes,
Aimez longtemps, ou n'aimez rien.


Constance de Théis.