Les soeurs jumelles, d'Anatole de Ségur.

Les soeurs jumelles (Extrait)

Recueil : Stances et sonnets (1869)
Je te vois grandissant près de ta sœur jumelle,
Comme deux frais épis sortis du même grain,
Si semblables en tout, en votre heureux matin,
Qu'on la prenait pour toi, qu'on te prenait pour elle.

Quelquefois, vous trouviez un plaisir innocent
À changer vos deux noms, aimable et doux manège,
Et, si quelqu'un de nous se laissait prendre au piège,
Votre rire éclatait, pur et retentissant !

Le Seigneur avait fait vos âmes si pareilles,
Que vous n'aviez besoin de lèvres ni d'oreilles
Pour vous interroger : un regard suffisait.

L'une de vous à peine ébauchait sa pensée,
D'un mot l'autre achevait la phrase commencée ;
Souvent pour mieux causer, chacune se taisait.

Comme deux astres d'or dont la lumière amie
Se lève à la même heure et brille à l'horizon,
Vous mes filles, astres charmants de ma vie,
Votre double sourire éclairait la maison.

Anatole de Ségur.