Rupture, de Paul Reboux (1897).

Rupture.

Recueil : Les Matinales (1897)
Une sotte querelle ayant troublé les jours
D'ineffable harmonie où s'unissaient nos âmes,
Nous voulûmes tous deux en finir, et jurâmes
De nous oublier pour toujours.

Toutes les cruautés que la douleur inspire,
Nous les eûmes. Mais, quand vint l'heure des Rupture,
Nous restâmes muets et les yeux dans les yeux,
Sans trouver un mot à nous dire.

Nous sentions s'envoler notre ressentiment
Et fondre dans nos cœurs tout désir de vengeances.
Les bonheurs de jadis aux tristes souvenances
Nous attendrissaient doucement.

Comprenant la douleur des âmes déliées,
De nos lèvres fuyaient les souvenirs moqueurs,
Et nous sentions monter des larmes qu'en nos cœurs
Notre joie avait oubliées.

Un charme au fond de nous paraissait murmurer
Que nos amours étaient bien loin d'être finies...
Et lorsque pour l'adieu nos mains se sont unies,
Elles n'ont pu se séparer.

Paul Reboux.