Oui t'aimer est un bien, de Louise Colet (1839).

Oui, t'aimer est un bien.

Recueil : Penserosa (1839)
Oui, t'aimer est un bien, car depuis que je t'aime,
Mon être se transforme en aspirant à toi ;
De tout ce qui t'est cher je veux être l'emblème ;
Ton amour m'a donné comme un second baptême,
Ton amour, c'est ma foi !

Toi ! c'est l'ange divin qui me veille à toute heure,
Qui me voit, qui m'entend, qui me parle tout bas,
Qui rend mon cœur plus pur et mon âme meilleure,
Qui me fait triompher, quand je faiblis et pleure
Dans mes jours de combats.

Providence adorée à ma garde commise,
Ton cœur me persuade et m'incline à sa loi !
Je deviens à ton gré courageuse et soumise,
Ton âme est la lumière à mon âme transmise,
Et qui rayonne en moi !...

Ton âme est le foyer qui me brûle et m'éclaire,
Je reste suspendue à ton moindre penser,
Et je vis en tremblant pour t'aimer et te plaire,
Car tu peux me punir par un mot de colère,
Ou me récompenser !

Si je cherche l'éloge et redoute le blâme,
Si mon esprit s'élève et mon cœur s'ennoblit,
Si de douces vertus renaissent dans mon âme,
C'est pour toi, noble ami, qui veux dans une femme
Tout ce qui l'embellit !

Pour toi dont la tendresse éclairée et profonde
Demande que j'aspire à m'élever toujours,
Que mon intelligence à la tienne réponde,
Que je sois à la fois et l'idole du monde
Et l'ange de tes jours !

Pour toi, sublime et bon, qui me veux douce et tendre,
Mais sans éteindre en moi la poétique ardeur
Qui fait qu'en t'adorant mon cœur peut te comprendre,
Qu'à ton sort glorieux je puis aussi prétendre,
Que je sens ta grandeur !

À tous mes sentiments ton image se mêle,
Elle inspire mes vers les plus harmonieux,
Me donne le désir de te paraître belle,
Et d'avoir chaque jour quelque grâce nouvelle
Pour que tu m'aimes mieux.

Même absent, devant moi ta présence rayonne,
Et je te sens toujours marcher à mon côté ;
Je sais que tu me vois lorsque je fais l'aumône,
Et mon âme, en étant compatissante et bonne,
Reflète ta bonté.

Les mots que l'on me dit, moins l'esprit et la grâce,
Me rappellent les tiens que je redis tout bas ;
L'air qui vient m'effleurer, c'est ton souffle qui passe ;
Et pour moi, chaque bruit qui glisse dans l'espace,
C'est le bruit de tes pas !

Si j'accepte l'encens de ce monde frivole,
Il s'épure en mon cœur pour remonter vers toi,
Vers toi, qui de l'amour m'as donné l'auréole,
Vers toi, mon seul orgueil, vers toi, ma seule idole,
Ma seule gloire à moi !

Sois béni de m'aimer, car tu m'as rajeunie !
Je sens un noble orgueil d'avoir su te charmer.
Ton amour me révèle une sphère infinie ;
Je crois à ma beauté, je crois à mon génie,
Puisque tu sais m'aimer !

Louise Colet.