À une amie, de Louise Colet.

À une amie.

Recueil : Les fleurs du Midi (1836)
Si vous l'aviez connue à sa quinzième année,
Elle était belle alors, belle à vous rendre fou !
En voyant les attraits dont elle était ornée,
Vous auriez devant elle incliné le genou !

Pour caresser sa main, frêle, blanche et veinée,
Poète, vous eussiez été je ne sais où ;
Et votre part du ciel, oh ! vous l'auriez donnée
Pour un baiser d'amour posé sur son beau cou !

Mais, avec la douleur, toute beauté se fane ;
Elle a souffert longtemps, et le regard profane
Ne voit plus sur ses traits de magiques trésors :

Ses yeux se sont ternis, et son front n'est plus rose...
Eh bien ! moi j'applaudis à sa métamorphose,
Car son âme a gagné ce qu'a perdu son corps.

Louise Colet.