Adieu ! tout est fini, d'Ernest Bussy.

L'adieu désolé qui pleurait dans mon cœur.

Recueil : Les sonnets et poésies inédites (1886)
C'était l'heure paisible où la lumière expire ;
L'occident se teignait d'or pourpre et de carmin ;
Vous m'avez salué d'un triste et long sourire,
Et nous avons chacun suivi notre chemin.

Tous les autres passaient avec indifférence ;
Avril dans l'azur clair chantait l'hymne vainqueur :
Vous seule, vous avez deviné ma souffrance
Et l'adieu désolé qui pleurait dans mon cœur.

Pour avoir eu pitié de ma douleur suprême
Qu'exaspérait l'éclat du soleil radieux,
Sans doute, vous avez un jour connu vous-même
L'angoisse inexprimable et l'horreur des adieux.

Votre aumône n'est pas de celles qu'on oublie
Et votre long regard me poursuivra longtemps.
Ô Vierge, pâle sœur de la Mélancolie,
Que votre ciel soit pur comme un ciel de printemps !

Si vous lisez jamais ce que je viens d'écrire,
Si mes vers, quelque jour, vous doivent parvenir,
Sachez que j'ai gardé ce merveilleux sourire,
Triste comme un adieu, doux comme un souvenir.

Souvent je vous ai vue en mes nuits d'insomnie,
Passer, mêlée au chœur de mes songes fiévreux ;
Et vos pas que rythmait une étrange harmonie
Allaient enfin se perdre au lointain vaporeux.

Ah ! si nous avions pu suivre ensemble la route
Qui conduit près du ciel aux éternels sommets ! ...
Dieu ne l'a pas permis : vous partez, et je doute
Qu'il me soit accordé de vous revoir jamais.

Adieu ; tout est fini. La vie est ainsi faite ;
L'idéal est vaincu par le réel moqueur.
Notre âme n'est jamais qu'à demi satisfaite,
Et les plus fortunés n'ont qu'un jour de bonheur.

Ernest Bussy (1864-1886)