Avant que le bonheur fuit, d'Eliacin Greeves.

Le bonheur aime à changer de maison.

Recueil : Amour et poésie (1854)
Le bonheur est venu reposer sur ma tête
Son vol capricieux, et mêle un jour de fête
Aux jours d'ennui.
Mais il aime souvent à changer de demeure ;
Mon âme, éveille-toi ; — peut-être avant une heure
Le bonheur aura fui !

Et l'âme radieuse alors s'est éveillée,
Comme un oiseau craintif, dormant sous la feuillée,
S'éveille au jour.
Et la voilà, pareille à l'oiseau, qui déploie
Ses deux ailes au vent, et qui, folle de joie,
Chante l'amour !

Voyez comme elle vole et jamais ne se pose,
Buvant les gouttes d'eau sur les feuilles de rose,
Brisant les fleurs ;
Voyez comme elle étend, dans l'air, ses ailes blanches,
Ou fait de la rosée, en secouant les branches,
Tomber les pleurs.

Il ne faut pas qu'à vivre ainsi tu t'habitues,
Car tes ailes demain, par l'ouragan battues,
Faibles seront.
Les plus tièdes matins ont des soirs pleins d'orages,
Et bientôt les zéphyrs, chère âme, en vents sauvages
Se changeront !

Eliacin Greeves (1818-1874)