Le jour du repos, de Charles de Pomairols.

Le jour du repos.

Recueil : Les rêves et sentiments (1880)
Les dimanches d'été le paysan s'ennuie.
Les coudes aux genoux, contre un mur il s'appuie
Et regarde, au-dessus des proches fenaisons,
L'accablante langueur des vides horizons.
La messe du matin est dite de bonne heure,
Les vêpres ont fini, beaucoup de temps demeure
Avant que le soleil disparaisse là-bas.
Quoiqu'il ait bien gagné ce jour et qu'il soit las,
Il voudrait s'occuper, reprendre en main sa bêche,
Mais le respect qu'il doit à la terre l'empêche.
Aucun bruit des jours pleins ne monte sous les cieux,
Il manque une substance à l'air silencieux,
Le moineau semble avoir d'autres cris sur la paille,
On ne sait même pas si la sève travaille ;
Un crêpe, dirait- on, tout blanc, car c'est l'été,
Endort le monde aux plis de sa tranquillité.
Se sentant étouffer, le paysan soupire.

Et moi je souffre aussi d'un mal pareil ou pire,
Je ne sais pas me joindre aux fêtes des humains,
Je fuis les lieux publics où vont tous les chemins,
Préférant le travail dont les âpres puissances
Emplissent mieux mon cœur que les réjouissances,
Me plaisant dans l'effort, dans la fièvre dispos,
Et ne redoutant rien à l'égal du repos.
Il est donc vrai pour tous, ô paysan, l'emblème
De l'âme qui ne peut se posséder soi- même,
Qui cherche en l'action des biens extérieurs
Pareils à des jouets pour les enfants rieurs,
Et dans le tête à tête avec soi sent le vide
Seul répondre au soupir de son espoir avide.


Charles de Pomairols (1843-1916)