Le nid d'amour, de Mathilde Soubeyran.

Le nid d'amour.

Recueil : Les oiseaux et les fleurs (1878)
Je revois, ami, notre porte,
Qu'ombrageait un beau grenadier ;
Nous avions peu d'or, mais qu'importe,
Quand l'amour fleurit le sentier ?

Notre bonheur profond et chaste
Rayonnait comme le printemps ;
Est-il besoin de tant de faste
À des amoureux de vingt ans !

Le jardin tenait peu de place :
Quelques volubilis tremblants
Grimpaient et couvraient la terrasse ;
En mai nous avions des lis blancs.

Un soir d'avril, sur la poutrelle
Un charmant oiseau vint nicher ;
Nous dîmes : « C'est une hirondelle,
Oh ! n'allons pas l'effaroucher ! »

Près de sa compagne endormie,
Bien souvent le mâle chantait ;
Nous écoulions, l'âme ravie,
L'hymne qui vers le ciel montait.

Tu me disais : « Le bon Dieu donne
À ces oiseaux un doux trésor :
Quatre petits ! Et nous, mignonne,
Nous, notre nid est vide encor.

« Aurons-nous bientôt, ma charmante,
Un beau chérubin à l'œil noir ? »
Moi, je souriais, rougissante
De confusion et d'espoir !...

Et je rêvais des anges roses,
Des fillettes aux regards bleus.
Lorsque je rappelle ces choses,
Je sens des larmes dans mes yeux.

Mathilde Soubeyran