Le soleil et ses rayons, de Charles de Pomairols.

Le soleil et ses rayons.

Recueil : Les rêves et sentiments (1880)
L'été splendide luit sur la plaine et la ville :
Couvrant la nudité de toute chose vile,
Il jette sur les troncs ses mobiles réseaux,
Éveille au bord des toits la chanson des oiseaux,
Et dans l'air bleu répand une béatitude.
Dans la morne chaleur d'une salle d'étude,
Les pauvres écoliers qu'attire vainement,
Si conforme à leurs vœux, l'éclat du jour charmant,
Seuls, restant enfermés, sont exclus de la fête.
Un toit morose et gris développe son faîte
Entre la liberté bruyante du dehors
Et leurs yeux qu'alanguit la paix des livres morts.
Vers le soir cependant un rayon de lumière
Entre pour consoler leur bande prisonnière :
Ce grand soleil ami qui vient les visiter,
Un enfant, malgré tout joyeux, va le capter.
À l'immense foyer par qui vivent les mondes,
Qui répand de là-haut ses flammes vagabondes
Et qui vient de si loin distraire son ennui,
Il présente un miroir rond aussi bien que lui,
Et tenant à son gré dans sa main si petite
Ce soleil dont la vue, hélas ! est interdite,
Dans son ombre du moins maître de ce reflet,
De l'astre radieux il se fait un jouet.
Inclinant au plaisir sa force colossale,
L'astre danse, bondit aux deux bouts de la salle,
Exécute des sauts fantasques au plafond,
Du maître soucieux mord le sévère front,
Et la classe égayée, oubliant son martyre,
Libre comme en plein air, part d'un éclat de rire.


Charles de Pomairols (1843-1916)