Le suprême adieu, d'Ernest Bussy.

Le suprême adieu à la morte.

Recueil : Les poésies et sonnets (1884)
J’allai voir la pauvre petite
Que Dieu reprit à nos chemins.
Elle avait de la clématite
Et des roses-thé dans les mains.

Paupières clauses, front livide,
Sans sourire, mais sans effroi ...
Ce cercueil auprès du lit vide
Me donnait étrangement froid.

C'est que je vous avais connue,
Chère morte, en un meilleur temps,
Pleine de la grâce ingénue
Et des promesses du printemps.

Notre voie étant différente,
J'ai fui sous un ciel étranger
D'où, souvent, ma pensée errante
Courait à vous d'un pied léger.

Je croyais vous voir, dans mon rêve,
Femme heureuse au bras d'un époux,
Ignorant que pour l'autre grève
Vous alliez partir avant nous.

Vous voilà, gisante et blêmie,
Et le regret poignant me mord
De vous retrouver endormie
Dans les bras glacés de la mort.

Bien qu'à moitié de la colline,
Mes pas sont peut-être avancés...
Celui qui va mourir s'incline
Devant vous qui le devancez.

Adieu. De votre aimable vie
S'est trop vite éteint le flambeau.
Mais, d'aucun regret poursuivie,
Dormez en paix dans le tombeau.

Ernest Bussy (1864-1886)