L'épidémie qui menace de mort, de Charles de Pomairols.

L'épidémie qui menace de mort.

Recueil : Les rêves et sentiments (1880)
L'air où semble sourire une lumière amie,
L'air caressant et bleu cache une épidémie
Qui menace de mort ce que j'ai de plus cher,
Les enfants de mon cœur, les enfants de ma chair,
Et je frémis toujours, je tremble, je frissonne,
Ne pouvant accuser de ma crainte personne,
Plein de doute devant l'impalpable danger
Qui gît mystérieux au fond de l'air léger
Et s'approche au moment où je crois qu'il diffère.
O sombre trahison de la tiède atmosphère !
Et mon cœur dont je garde au monde une moitié
S'attendrit et s'émeut d'une vaste pitié
Pour l'oiseau, pour l'insecte à la vie éphémère,
Pour l'être qui subit la destinée amère,
Pour tous les innocents, les faibles, les petits,
Tous ceux qui, sans combat au mal assujettis,
Sont fragiles ainsi que les enfants des hommes.
Dans ce monde méchant, insensible où nous sommes,
Sous cet azur des cieux calmes et triomphants
Dont l'implacable loi peut tuer mes enfants,
Je jure de n'avoir jamais la main cruelle
Et de ne pas aider la mort universelle !

Charles de Pomairols (1843-1916)