Les trésors de Dame Nature, d'Hippolyte Fleury.

Les trésors de la belle nature.

Recueil : Les nouvelles feuilles des bois (1873)
J'aime à plonger mon âme au milieu de tes brises,
À jeter mes regards sur ton vaste horizon,
À recueillir la voix du bourdon des églises
Qui fait frissonner le gazon !

J'aime à suivre des yeux tes fortunés nuages
Se parlant dans les airs, calmes, majestueux,
Déposant dans mon cœur leurs magiques langages
Et leur longue chaine de feux !

J'aime à me promener, comme dans ma nacelle,
Sur tes flots inondant les cieux de leurs couleurs,
À couronner mon front de la flamme éternelle
Qui jaillit de leurs profondeurs !

J'aime dans mon extase à traverser l'espace
Des régions sans fin que cachent tes flots d'or ;
De mondes inconnus je crois saisir la trace,
Quand je les tiens, j'en sens encor.

Des coteaux où je suis, j'entends la mer qui gronde,
Dans chacun de ses flots je vois mon Créateur
Qui m'ordonne d'aller dans ce profane monde,
Comme un passager voyageur.

Océans, déployez vos majestés sublimes,
Vos rubis, vos azurs, votre or, vos diamants,
Agitez-les sans cesse au fond de vos abîmes,
Qu'ils sortent des flots écumants !

Faites-les scintiller sur les ondes errantes
Au stupide regard de l'incrédulité,
Et poussez comme un flot les masses ignorantes
Au sein de l'immortalité !

Douces fleurs, chers trésors de la belle nature,
Unissez vos parfums pour les offrir à Dieu ;
Et du fond des déserts ou de ma sépulture
Emportez mon dernier adieu.

Doux oiseaux réunis sous les épais ombrages
Qui charmez les échos de vos plaintives voix
Hôtes de la nature, unissez vos ramages,
Chantez l'Eternel mille fois.

Hippolyte Fleury