Rêverie d'été, de Édouard Turquety.

Rêverie d'été.

Recueil : Amour et Foi (1833)
Oh ! dans les longues soirées,
À ces heures désirées
Où l'oiseau n'a qu'un seul chant,
Où le ciel devient sonore,
Où tout l'éclat de l'aurore
Est vaincu par le couchant ;

Quand sur les pelouses vertes
Qu'un léger voile a couvertes
Le calme est enfin venu ;
Quand tous les rayons s'éteignent,
Et que les cloches se plaignent
Dans leur langage inconnu ;

Ô ma pensée ! ô ma vie,
Sais-tu bien ce que j'envie,
Ce qu'il me faut, ô ma soeur ?
Sais-tu, dans mes voeux de flamme,
Sais-tu ce que je réclame
Jusqu'à me briser le cœur ?...

Ce n'est point, ô bien-aimée,
Cette boucle parfumée
Qui voltige sans lien.
Non, — ta voix me l'a promise,
Et le souffle de la brise
La caresse avant le mien.

Ce n'est point l'humble anémone
Qu'au ruban qui l'environne
J'arracherais comme hier ;
Ce n'est point une parole,
Un sourire qui s'envole,
Un regard, fragile éclair.

Mais quand le feuillage ondule
Aux rayons du crépuscule,
Je voudrais à ton côté,
Je voudrais, ô douce femme,
Retremper encore mon âme
Dans les brises de l'été.

Là bas, où l'ombre est si tendre,
Je voudrais ne rien entendre
Que nos battements de cœur ;
Ne rien voir sous le platane
Que tes grands yeux de sultane,
Et mourir de mon bonheur !


Édouard Turquety.