Sans qu'on y pense, de Armand Gouffé (1802).

Sans qu'on y pense.

Recueil : Ballon d'essai (1802)
Conservez bien la paix du cœur,
Disent les mamans aux fillettes !
Sans la paix, adieu le bonheur,
Craignez mille peines secrètes !
On tremble, on se promet longtemps
De rester dans l'indifférence ;
Et puis on arrive à douze ans,
Et le cœur bat... sans qu'on y pense.

Fuyez, surtout, fuyez l'amour,
Disent les mamans aux fillettes !
Le petit traître, chaque jour,
Vous tend mille embûches secrètes.
On tremble, on se promet longtemps
De se soustraire à sa puissance ;
Et puis on arrive à seize ans,
Et l'amour vient... sans qu'on y pense.

Mais pourquoi tous ces vains discours
Que font les mamans aux fillettes ?
Puisqu'on doit tribut aux amours,
Nous voulons acquitter nos dettes ;
Pour bien aimer il n'est qu'un temps,
S'en défendre est une imprudence ;
Si l'on n'aime pas au printemps,
L'hiver viendra... sans qu'on y pense.


Armand Gouffé.