À mon âme triste, de Prosper Blanchemain.

À mon âme triste et rêveuse.

Recueil : Les poésies et sonnets (1868)
Voici l'heure silencieuse,
Dans l'ombre le monde s'est tu.
Ô nuit ! quels dons amènes-tu
À mon âme triste et rêveuse ?

Le sol desséché par le jour
Boit ta fraîcheur tiède et charmante ;
Pour la flamme qui me tourmente
N'as-tu pas un baume d'amour ?

Ô nuit ! quand l'absence m'enlève
Ma bien-aimée avec mon cœur,
Au moins, à défaut du bonheur,
Ne peux-tu m'en donner le rêve ?

Porte, sur l'aile du sommeil,
Mes songes vers la jeune fille,
Dévoile-moi son œil qui brille,
Son visage frais et vermeil.

Je veux m'incliner sur sa couche,
Dans l'ombre deviner ses traits ;
Je veux épier les secrets
Qui passent sans bruit sur sa bouche.

Son cœur sans remords et sans fiel
Ne peut voiler ou haine ou blâme ;
Elle est pure comme la flamme,
Elle est belle comme un beau ciel.

Car toujours l'ange de lumière
Qu'elle prie et qui la conduit,
Lui fait son repos de la nuit
Aussi chaste que sa prière.

Prosper Blanchemain (1816-1879)