L'amour sincère, de Louise Colet (1834).

L'amour sincère.

Recueil : Les fleurs du Midi (1836)
Premiers ravissements de deux âmes éprises,
Félicités du ciel par la terre conquises.
Courts instants où l'on plane, orgueilleux et charmés,
Au-dessus des plus grands et des plus renommés ;
Fierté que l'amour donne et dont l'amour s'enivre,
Qui ne vous a connus ne s'est pas senti vivre !

Qui ne vous a goûtés n'a jamais défini
Les aspirations du cœur vers l'infini !
Car l'amour ici-bas c'est le rayon de l'âme
Qui du foyer divin nous présage la flamme ;
C'est le regard profond qui déchire, ébloui,
Le voile du néant où sa lumière a lui ;

Oui, l'amour, c'est la foi triomphante du doute,
C'est le bras qui soutient, c'est la voix qu'on écoute,
C'est l'immense désir que rien ne peut combler,
Et qui, venu de Dieu, sait nous le révéler.
Au milieu des débris de toutes les croyances,
Quand l'esprit d'examen trouble les consciences,

Quand l'idéal a fui, quand la foi manque à tout,
Fleur au divin parfum, l'amour seul est debout !
Aimer ! oh ! c'est tenir son âme haut placée !
Aimer ! c'est féconder la vie et la pensée !
Par un sincère amour deux nobles cœurs atteints
S'éveillent aussitôt à tous les grands instincts.


Louise Colet.