Au revoir mon amour, de Maurice Bouchor.

Au revoir mon amour, adieu.

Recueil : Poème de l'amour et de la mer (1892)
Le stupide hasard qui gouverne le monde
Va t'emporter bien loin d'ici,
Et la mer te cachant au repli de son onde
Me sera sourde et sans merci.

Quand tu seras partie, ô chère bien-aimée,
Le ciel me verra chaque nuit
En vain tendre les bras vers la maison fermée,
Pleine de silence et d'ennui.

Les jours passés vivront en ma triste mémoire !
Dans l'ineffable horreur des bois,
Pour me chauffer le cœur je n'aurai que la gloire
De tous nos soleils d'autrefois.

Et que j'aurai d'ennui lorsque les violettes,
En la printanière saison,
Voluptueusement reposeront leurs têtes
Sur le satin vert du gazon !

Que tout me sera triste, et, dans la joie intense
Des oiseaux, du ciel et des fleurs,
Comme je trouverai funèbre cette danse
D'odeurs, de sons et de couleurs !


Maurice Bouchor (1855-1929).