Hommage à mon père décédé, de Paul Collin.

Ô mon père adoré, tu n'es plus !

Recueil : Les poèmes musicaux (1886)
La mort nous fait tous égaux devant ses lois,
Qui de tous côtés frappe au hasard et sans choix,
Semblable au tourbillon qui par un soir d'orage
A tout déraciné dans son aveugle rage,

Emportant pour toujours confondus, réunis,
L'épi naissant à peine et les épis jaunis ! ...
Je songe aux jours passés, et mon regard humide
S'attache avec stupeur sur une place vide !

Je songe aux jours heureux souvenirs désormais
Qui ne reviendront plus, jamais, jamais, jamais ! ...
Je songe aux soirs d'antan, où, riante et prospère,
Notre famille avait son chef, et moi mon père !

Je songe à ton visage, ô pauvre et cher absent,
À ta voix dont mon âme a retenu l'accent ;
Je songe à ton sourire, à ton cour bon et tendre,
Au bonheur envolé de te voir, de t'entendre ! ...

Je songe à ton amour, mon plus doux bien, perdu ! ...
Hélas ! hélas ! pourquoi n'as-tu pas attendu,
Ô mon père adoré, pour prendre ainsi la fuite,
Que le ciel me permît de partir à ta suite ?

Paul Collin (1843-1915)