La mort et le deuil, de Paul Collin.

La mort impitoyable.

Recueil : Les poèmes musicaux (1886)
Hélas ! à certains jours je me prends à songer
Au peu de temps qu'il faut ici-bas pour changer
Les plaisirs en tourments, le bonheur en souffrance,
En tempête le calme, en regrets l'espérance !

Je songe au peu de temps qu'il faut pour que le deuil
Se glisse comme un ver au cœur de notre orgueil ;
Je songe au peu de temps qu'il faut pour que la joie
S'envole, et que la mort se jette sur sa proie,

La mort impitoyable et dont rien ne défend,
Qui prend aux fils leur père, aux mères leur enfant,
La mort qui n'a pas d'yeux et qui n'a pas d'oreilles
Et dont les rigueurs sont à nulle autre pareilles,

La mort qui nous tient tous effarés sous sa main,
La mort qu'en vain on fuit et qu'on implore en vain,
Qui rit de nos terreurs, de nos vœux, de nos larmes,
Et contre les meilleurs de nous tourne ses armes.

Paul Collin (1843-1915)