Je grondais mon enfant, de Charles de Pomairols.

Je grondais mon enfant.

Recueil : Les rêves et sentiments (1880)
Je grondais mon enfant, là, debout devant moi ;
Sachant que je l'adore, il avait peu d'émoi
(Pour l'âge de trois ans on n'est pas bien sévère),
Et riait et, moqueur, semblait me contrefaire.

Pour sauver le bon ordre, à regret j'insistai,
Je pris ma grosse voix, je fis l'œil irrité.
Il souriait encor, mais à son rire allègre
Un trouble se mêlait, comme une pointe d'aigre ;
Une crispation de la lèvre et des yeux
Annonçait le chagrin, le combat soucieux
Du faible orgueil que vient éteindre la peur sombre ;

La fossette creusa sur la joue un trou d'ombre,
Le visage obscurcit le lustre de ses fleurs,
Jusqu'à ce que la crise, hélas ! finit en pleurs.
Sur la face du jour qui se trempe et s'essuie,
Ainsi passent l'air bleu, le nuage et la pluie.


Charles de Pomairols (1843-1916)