Je pense à vous, de Prosper Blanchemain.

Je pense à vous mon ange.

Recueil : Les poésies et sonnets (1868)
Je pense à vous, ma jeune bien-aimée,
Quand le jour naît, quand la rose embaumée
S'ouvre au matin scintillante de pleurs ;
Quand l'alouette ouvre son aile grise,
Vole en chantant, vole au ciel, sur la brise
Et le parfum des fleurs.

Je pense à vous quand le soleil décline,
Quand le brouillard, sur la verte colline,
Etend au soir ses humides réseaux ;
Quand la forêt a de plus doux murmures,
Et que la lune, à travers ses ramures,
Argente les ruisseaux.

Je pense à vous lorsque l'éclair s'enflamme,
Et dis : « Seigneur, des orages de l'âme
Epargnez-lui la fatigue et le fiel ! »
Quand le ciel bleu rayonne sur nos têtes,
Je pense à vous, mon ange, car vous êtes
Pure comme un beau ciel.

Je pense à vous aux pieds de la Madone ;
En implorant la Vierge qui pardonne,
C'est votre nom que je dis à genoux ;
J'espère alors que, sur ces mêmes pierres,
Pour moi, plus tard, vous aurez des prières...
J'ai tant prié pour vous !

Je pense à vous ; car sans vous point de joie ;
Sans vous, les jours que le Seigneur m'envoie,
Sombres ou purs passent inachevés ;
Il n'est sans vous nul plaisir que j'envie ;
Mon cœur n'est plus en moi-même, et ma vie
Est toute où vous vivez.

Je pense à vous, que j'aille, que j'arrive,
Que je regarde, en rêvant sur la rive,
Le ruisseau fuir, comme fuiront mes jours ;
Je pense à vous, que je m'endorme ou veille ;
Triste ou joyeux, ô ma jeune merveille !
Je pense à vous toujours.

Prosper Blanchemain (1816-1879)