La nuit douce auprès de toi, de Prosper Blanchemain.

Une nuit auprès de toi que j'aime.

Recueil : Les poésies et sonnets (1868)
Vois ! le soir est si calme et le ciel est si bleu !
Demeure encor, demeure assise à cette place.
Pressé contre ton cœur, je n'entends dans l'espace
Que ses doux battements près de mon front en feu.

Nulle brise ne court, nul feuillage ne ploie.
Les oiseaux et les fleurs s'endorment dans la nuit.
Ils vont rêver d'amour ; restons comme eux sans bruit ;
Nous qui sommes heureux, ne troublons pas leur joie.

Il est, dans cette paix qui suit la fin du jour,
Je ne sais quelle extase imposante et divine.
L'être le plus petit, dans sa frêle poitrine,
Renferme un monde entier de prière et d'amour.

L'alouette s'élève en songe plus légère ;
L'insecte bourdonnant rêve un ciel tout d'azur.
Chaque fleur est une âme et verse dans l'air pur
Un parfum plus voilé qui semble une prière.

Ce monde qui s'endort aux pieds du Créateur,
Et la terre, et le ciel, et ces milliards de mondes
Que chaque soir rallume au sein des nuits profondes,
Répondent par leur calme au calme de mon cœur.

C'est la nuit ! la nuit douce auprès de toi que j'aime.
Dormez, petites fleurs ! petits oiseaux, dormez !
Moi je lis dans ton âme et dans tes yeux aimés
Un bonheur calme et pur comme le ciel lui-même.

Prosper Blanchemain (1816-1879)