La dernière rose, de Charles de Pomairols.

La dernière rose.

Recueil : Les rêves et pensées (1880)
Vous entrez après moi dans la claire jeunesse,
Belle Diane au front d'argent ;
De l'autre bord du ciel, naïve charmeresse,
Vous voyez mon soleil penchant.

Nous ne sommes pas faits pour voir l'azur ensemble :
Le temps loin de vous m'a jeté,
Bien que votre regard, où le sourire tremble,
Annonce à tous la charité.

La saison déclinante où, fraîche visiteuse,
Vous m'apportez un doux émoi,
Montre des jours divers de lumière douteuse
Où les jours tristes sont pour moi.

Novembre étend sa brume en voile funéraire,
Quand vous venez dans mon jardin ;
Les frimas menaçants en peu d'heures vont faire
Un sombre lieu de cet Éden.

J'ai sauvé de l'hiver une dernière rose,
Dont il va flétrir l'incarnat,
Unique fleur qui luit dans le brouillard morose
Et l'échauffe de son éclat.

Puisque votre printemps y reconnaît sa trace,
Puisque près d'elle vous voilà
Et que de vous l'offrir j'aurais mauvaise grâce,
De vos mains blanches cueillez-la.


Charles de Pomairols (1843-1916)