La séparation amoureuse, d'Ernest Bussy.

Pardon si je pars sans te dire adieu.

Recueil : Les sonnets et poésies inédites (1886)
Pardonne-moi si je te blesse
En partant sans te dire adieu.
Je fuis pour cacher ma faiblesse
Et ne pleurer que devant Dieu.

Mon cœur qui se donne trop vite
Est tout meurtri par les départs ;
Car ces angoisses que j'évite
M'envahissent de toutes parts.

Je crois que c'est ma destinée
De voir, sans jamais en jouir,
Malgré mon étreinte obstinée,
L'espoir aimé s'évanouir.

Malheur à l'âme que dévore
La soif d'ineffables amours !
La terre qui la vit éclore
Ne peut que la froisser toujours.

Toujours dolente, et trop altière
Pour laisser deviner ses pleurs,
Elle est, ici-bas, tout entière
Vouée aux muettes douleurs.

Mais l'Immortelle endolorie,
À l'aube de l'éternité,
Doit retrouver dans la Patrie
L'éternelle sérénité.

Ernest Bussy (1864-1886)