Le bonheur des jours passés, d'Ernest Bussy.

Au passé je demande un peu de son bonheur.

Recueil : Les sonnets et poésies inédites (1886)
Quand, lassé de ma vie à jamais inquiète,
Au passé je demande un peu de son bonheur,
Il m'est doux de songer à ces beaux jours de fête
Où tout l'azur du ciel se mirait dans mon cœur.

Car ils ont la fraîcheur des fontaines chanteuses
Dans les bois frissonnants pleins de mousse et d'oiseaux ;
Et l'homme, fatigué des passions menteuses,
Vient se désaltérer au cristal de leurs eaux.

Plus j'avance, affligé de ce que j'abandonne
Le meilleur de mon âme aux détours du chemin,
Plus il me faut l'oubli que le souvenir donne,
Plus j'ai besoin de fuir le douteux lendemain.

Jours enfuis, jours lointains ! Fleurs à demi fanées
Dont le parfum puissant vers moi s'exhale encor,
Vous que l'aile du temps a trop tôt profanées,
Vous êtes ma couronne et mon plus cher trésor.

Dans les heures d'angoisse où le doute m'offense,
Où mon sentier se perd dans un brouillard fatal,
Je m'en reviens à vous, jours aimés de l'enfance,
Comme un oiseau blessé revient au nid natal.

Vous m'entourez alors de tendresse infinie
Et vous me prodiguez tout ce qui peut guérir...
Bercé par votre intime et magique harmonie,
D'un sommeil infini me puissé-je endormir !

Ernest Bussy (1864-1886)