Le vent des cimes, de Charles de Pomairols.

Le vent des cimes.

Recueil : Les rêves et pensées (1880)
Ma maison est debout sur un tertre élevé,
Aride lieu, d'eau vive et d'ombrages privé ;
Les arbres n'ornent pas ce sommet solitaire,
Et le vent, que là-haut jamais rien ne fait taire,
Ne peut y provoquer ces doux chuchotements
Qu'il éveille en frissons au cœur des bois dormants ;
On n'entend pas courir ces incertains murmures
Qui naissent du fouillis emmêlé des ramures,
Ni gémir tout à coup le bruit faible et dolent
De deux troncs inclinés l'un l'autre se frôlant.
Non ! tout ce qu'on entend, c'est la voix monotone
Du vent qui, furieux, contre la pierre tonne,
Dans sa course lointaine arrêté par ce choc
Froisse son aile au mur résistant comme un roc,
S'engouffre aux toits, mugit comme un cri qui s'étrangle,
Se brise, et par éclats vient expirer à l'angle.
Dure et sèche, il me plaît d'écouter cette voix,
Je la préfère au chant mélodieux des bois ;
Elle me fait songer à la voix solennelle
Du vent des monts hardis, qui ne bat de son aile
Que des pics, des rochers, du granit et du fer,
Dans ce simple combat de la pierre et de l'air
Où l'élément subtil n'a pas même une mousse,
Pour y faire vibrer une plainte plus douce.


Charles de Pomairols (1843-1916)