Les enfants qui souffrent, d'Ernest Bussy.

Les enfants qui souffrent et qui meurent.

Recueil : Les poésies et sonnets (1884)
Bienheureux les enfants qui meurent
Dans la paix des soirs attiédis !
Ignorants de ce qu'ils effleurent,
Ils volent droit au Paradis.

Ils ne regrettent pas la vie
Qu'ils ne voyaient que de très loin ;
Leur petite âme est assouvie :
Ils n'ont jamais manqué de soin.

On leur faisait un nid bien tendre
Sur les genoux de leurs mamans ;
Ils écoutaient tout, sans entendre,
Avec des sourires charmants.

Dieu les a pris à la souffrance,
Dans son beau Paradis vermeil,
Ne sachant pas la différence
Entre la mort et le sommeil.

Mais ceux que l'éternelle grève
Enlève à la fleur des vingt ans,
Ont goûté la douceur du rêve
Et des grands projets éclatants.

Ils avaient leurs amours, leurs peines ;
Et c'est un douloureux effort
Que de briser toutes ces chaînes
Qui nous les rattachent encor.

Ah ! les espérances flétries
Avant la pleine floraison !
L'amour aux blanches théories
Qu'on voit s'enfuir à l'horizon !

— Ils s'en vont, l'âme torturée
Par mille regrets éperdus
De cette mort prématurée,
Et des beaux jours qu'ils ont perdus.

Ernest Bussy (1864-1886)