Les vieux amis morts, d'Ernest Bussy.

Evoquons tous les vieux amis.

Recueil : Les sonnets et poésies inédites (1886)
Ami, près de moi viens t'asseoir.
C'est l'heure douce où l'esprit flâne,
Où dans l'air tiède et calme plane
La vague tristesse du soir.

Parlons-nous des anciennes choses,
Des aïeux qui sont endormis ;
Evoquons tous les vieux amis
Dont les paupières se sont closes.

Et nous deux aussi nous mourrons !
Qui sait dans quelques jours, peut-être,
Nous aurons déjà cessé d'être,
Et le vide emplira nos fronts.

Dans la tombe que nul n'évite,
Nous serons bientôt oubliés
Par ceux qui nous étaient liés :
Chez les vivants l'oubli croît vite.

Mais pour nous, tandis qu'au ciel clair
La nuit va dénouant ses voiles,
Et que les premières étoiles
Rayonnent dans le calme éther,

Donnons, ce soir, une pensée
Aux morts dont les yeux agrandis
Ont vu l'aube du Paradis
Et dont la mémoire est passée.

Honorons d'un respect pieux
La tombe où nous devons descendre,
Et mêler, demain, notre cendre
À la poussière des aïeux.

Ernest Bussy (1864-1886)