La vie n'est pas de tout repos, d'Hippolyte Fleury.

La vie n'est pas de tout repos.

Recueil : Les nouvelles feuilles des bois (1873)
Combien de souvenirs de la tendre jeunesse
Restent chers à nos cœurs ?
Tout tombe autour de nous, tout s'engouffre sans cesse
Dans l'abime des pleurs !

Cependant rien ne peut déraciner de l'âme
Ces souvenirs passés ;
Ils circulent en elle, impérissable flamme
De bonheurs effacés !

Ahl ne regrettons pas les heures passagères
De nos fortunés jours,
Ces souffles d'un moment, illusions légères,
Emportés pour toujours,

Le temps a déposé dans le fond de nos cœurs
Nos pensers et leurs charmes,
Et pour se consoler de leurs tristes erreurs
Tous les cours ont leurs larmes !

Ne marchons pas toujours à l'urne des regrets
La paupière mouillée ;
Nous laisserons longtemps à l'ombre du cyprès
Notre cendre oubliée !

Jetons sur l'avenir un courageux regard,
Travaillons sur la terre :
Travaillons aujourd'hui, demain il est trop tard ;
Demain, ombre et poussière !

Lorsque je ne sens plus dans le fond de mon cœur
Brûler les flammes de ma lyre,
Je lève au ciel mes yeux et de mon Créateur
Le grand souffle m'inspire !

Je sens renaître en moi le feu de mon amour,
Il fait vibrer ma lyre encore,
Transporté dans les cieux, poète tout le jour,
Je redescends avec l'aurore !

Ingrat, je voudrais bien de son vaste univers
Chanter la gloire et les merveilles,
Et porter à ses pieds quelques-uns de mes vers,
Faibles lueurs de mes veilles !

Mais je vis ici-bas comme vivent tant d'hommes,
Dans ma tranquille iniquité !
Il faudra bien un jour, et tous, tant que nous sommes,
Compter avec l'éternité.

Hippolyte Fleury