Les belles âmes, de Paul Collin.

Les belles âmes et bons cœurs.

Recueil : Les poèmes musicaux (1886)
Vraiment c'est incroyable (et c'est bien affligeant)
Comme le cœur se perd dans notre siècle et comme
Nous avons pris pour dieux la matière et l'argent !

Je m'en rapporte à vous. Combien de fois, en somme,
Vous a-t-on dit sur cent que quelqu'un était bon ?
En revanche, combien de fois qu'il était riche ?

Vante-t-on la vertu ? - Vous savez bien que non !
La fortune, voilà, pardieu, ce qu'on affiche.

Je voudrais être un peu moins misanthrope, mais
J'entends autour de moi : « Bel homme ! belle femme ! »
C'est-à-dire « beau corps ! » Jamais, au grand jamais,
Je n'entends ces deux mots, si doux pourtant : « Belle âme ! »

Ce dilemme dès lors ne peut être évité,
Il s'impose implacable, absolu, nécessaire :
Ou nous ne savons plus comprendre la bonté,
Ou bien nous n'avons plus d'âmes bonnes sur terre !

Paul Collin (1843-1915)