Les souvenirs si prompts à s'effacer, de Paul Courty.

Les souvenirs si prompts à s'effacer.

Recueil : Les heures sombres (1869)
Ainsi qu'un vagabond erre autour des décombres
Qui furent sa demeure, et gémit d'y laisser
Les souvenirs, du cœur si prompts à s'effacer,
Mais qu'aux murs ont gravé les jours, joyeux ou sombres ;

Ainsi l'Ame, oubliant les demeures divines
Où pourraient d'un seul bond l'emporter ses essors,
Ne sait point se résoudre à délaisser le corps,
Pauvre hironde volant sur son nid en ruines.

Près du tombeau désert, fidèle ainsi qu'un chien,
Elle rôde, pleurant l'invisible lien ;
Et, s'engraissant déjà des sueurs de la tombe,

Les herbes sur la fosse ont pris des tons plus verts,
Et nos chairs ne sont plus que pourriture et vers,
Lorsqu'elle ouvre à regret ses ailes de colombe.


Paul Courty (1840-1892)