Les tristes souvenirs assombrissent notre âme, d'Hippolyte Fleury.

Les tristes souvenirs de notre âme.

Recueil : Les nouvelles feuilles des bois (1873)
Quels tristes souvenirs assombrissent notre âme
Quand nous interrogeons un passé qui n'est plus !
Tout ce qui nous fut cher est mort ! vaine flamme,
Enveloppant nos cœurs de regrets superflus !

Tout se transforme alors en vaste solitude ;
Nous entendons partout s'exhaler des soupirs,
Et partout nous portons la vague inquiétude
Qu'enfantent nos douleurs, nos larmes, nos désirs !

Tout ce que nous aimons dans la belle nature
Se trouve enseveli dans le fond du tombeau ;
De chagrins renaissants victimes et pâture,
Nous voyons de nos jours s'éteindre le flambeau.

Voici les bois charmants qui nous prêtaient leur ombre,
Et les petits sentiers où nous marchions tous deux ;
Voici le cimetière où sont venus sans nombre
S'agenouiller en pleurs tant d'êtres malheureux,

Voici la vieille église et la sainte chapelle
Où nos vœux vers le ciel montaient comme l'encens ;
Voici la vieille chaise où je priais près d'elle !
Oh ! qui saura jamais tout ce que je ressens !

Nous portons ici-bas nos croix et nos épines,
Comme des hommes forts portons-les vaillamment ;
Quand l'âme sortira de nos corps en ruines
Le ciel aura tari nos larmes d'un moment !

Que l'aveugle destin souvent se montre étrange,
Ou de notre bonheur serait-il donc jaloux ?
Ce qui fut adoré, le sépulcre le mange,
Ce que nous adorons est rarement pour nous !

Hippolyte Fleury