Mon âme a gardé sa jeunesse, d'Eugène Goubert.

Mon âme a gardé sa jeunesse.

Recueil : Les rêves et sentiments (1880)
Oui ! mon corps chargé d'ans s'incline vers la terre,
Et ma tête a blanchi comme un antique pin
Sous les frimas d'hiver, je ne saurais le taire ;
Je ne m'en cache pas, le fait est trop certain !

Mais mon âme a gardé le sceau de la jeunesse,
Mes pensers leur élan et je m'émeus toujours
Quand à mes yeux paraît aimable charmeresse,
Ainsi que je faisais dans mes lointains beaux jours !

Si de jeune beauté mon cœur subit l'empire,
L'esprit bien plus encor m'offre attrait sérieux,
C'est lui surtout, c'est lui qui me charme, m'inspire,
Et je ne cherche pas, moi, s'il est jeune ou vieux.

Lorsque d’un poète l'on a la plume et l'âme,
Ainsi que vous, peut-on dire que l'on vieillit !
Pour moi je n'y crois pas un seul moment, Madame,
N'est-on pas toujours jeune avec autant d'esprit !


Eugène Goubert